Les monnaies alternatives. Marchandises et services comme monnaies d’échanges dans les économies des XIIIe-XVIIIe siècles (date limite 15 avril 2022, colloque 14-18 mai 2023)
Les résultats de cet appel à communications seront présentés à Prato au cours de la Semaine d’Etudes LIV (14-18 mai 2023).
Plus d’informations : http://www.istitutodatini.it/temi/fra/call.htm
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Suivant la thèse d’Adam Smith (1776), le développement de la division du travail a justifié l’intensification des opérations de troc et entraîné, à terme, l’essor de la monnaie. Le passage du troc à la monnaie (fut-elle monnaie marchandise) serait alors la marque de la progression d’un cadre d’économie naturelle à celui d’une économie monétaire. Or le « paradigme du sauvage adonné au troc » et l’usage premier du troc ont été fortement remis en cause par Karl Polanyi pour qui « le troc, le paiement en nature et l’échange constituent un principe de comportement économique qui dépend pour être efficace du modèle du marché » (Polanyi 1944). Fernand Braudel lui-même a relevé l’existence du troc « au cœur des économies monétaires » (Braudel 1967). Poursuivant dans cette voie, des travaux plus récents d’historiens et d’anthropologues se sont, à l’exemple de ceux de David Graeber (2011), appliqués à démonter cette « fable du troc » ; engageant, d’une part, à ne pas confiner les pratiques que représentent le troc, le paiement en nature et l’échange comme nécessairement « primitives » ou comme strictement opposées au recours à la monnaie, fiduciaire ou marchandise.
Cette Settimana sera consacrée à l’étude de l’importance et de la place exacte de telles pratiques alternatives d’échanges dans les économies des XIIIe – XVIIIe siècles. Si l’expression « monnaie alternative » fait généralement référence à toute monnaie utilisée comme alternative aux systèmes monétaires nationaux ou multinationaux dominants, nous concentrerons notre attention sur les marchandises et les services employés comme moyens de paiement lors de trocs imparfaits ou de paiements en nature dans les économies monétarisées des XIIIe-XVIIIe siècles. La théorie monétaire s’est, en effet, principalement intéressée au crédit, à la monnaie de compte et à la monnaie réelle sous forme de pièces de monnaie ou de papier-monnaie. Toutefois, une caractéristique frappante de la circulation de la monnaie est que les pièces de monnaie ou le papier-monnaie n’ont pas empêché les paiements en nature, partiels ou non. On y a vu la marque d’un monde de « l’argent rare » : celui des campagnes ou des temps de pénurie monétaire. On y a vu, également, une manière d’échapper à la fixation de la valeur des biens par les autorités, ce que des chercheurs comme Laurence Fontaine (2008), Craig Muldrew (2001) ou Jean-Michel Servet (1988, 1994) réfutent.
Le troc a longtemps été considéré comme une pratique adaptée à l’absence de numéraire et, en cela, le monde paysan est souvent considéré comme le lieu par excellence de ce type d’échange alternatif. En limiter la pratique au milieu rural serait toutefois une erreur. Pour peu que l’on entre dans le détail des paiements de nombreux contrats, nous constatons, en effet, que le troc ou les paiements en nature étaient bien présents également en ville. En limiter le recours au manque d’argent écarte, par ailleurs, un peu vite la part du choix qui a pu présider au recours au troc – dont rien n’indique qu’il se fasse toujours par défaut. L’alternative que représentent les modes d’échanges sur lesquels nous souhaitons porter l’attention va au-delà du simple palliatif. D’autres logiques sont en jeu. Chaque fois, les raisons, le sens et les conséquences économiques sont différents et doivent être remis en question afin de saisir les caractéristiques propres de chacune des pratiques attestées.
Ces paiements, partiellement ou entièrement en nature, se retrouvent dans la plupart des activités économiques.
Production. Dans les contrats, il n’est pas rare que la réutilisation des matières premières soit incluse avec une valeur qui leur est donnée. Il peut s’agir des décombres d’un bâtiment préexistant à celui dont l’édification est projetée mais aussi du métal d’une ancienne cloche servant à payer la façon d’une nouvelle.
Salaires. Beaucoup de salaires ont une part donnée en nourriture, en habillement, voire en outils. Certaines professions sont habituées à ce genre de rémunération comme les domestiques qui recevaient des vêtements de leurs maîtres. Dans beaucoup d’industries, les restes de production peuvent également être donnés aux ouvriers. On s’attendait également à ce que l’administration paie des cadeaux, ce qui créait des tensions entre les cadeaux et la corruption.
Services. L’économie aristocratique, basée sur le don, a alimenté ces modes de paiement car ils ont tendance à payer les services avec des cadeaux (ex : dans le Grand Tour, les aristocrates portent des objets avec eux pour payer la plupart des services). Mais il s’agit d’une pratique que l’on rencontre également de manière courante, en milieu rural comme en ville.
Echanges. En ville comme à la campagne les échanges peuvent, sous la forme d’« échanges réciproques » (Thijs Lambrecht 2003), ne pas faire appel à la monnaie, faute de numéraire, ou n’y faire appel que partiellement.
Mieux saisir les spécificités de telles pratiques nous semble participer pleinement d’une histoire économique dans laquelle la monnaie tient un rôle essentiel mais où son usage se combine avec celui de « quasi-monnaies » (Roberto Lopez 1981).
Voir les axes du colloque et les modalités de candidature : http://www.istitutodatini.it/temi/fra/call.htm