Lettre d’information n°113
(décembre 2019-janvier 2020)

Vie de la société

Loi de programmation sur la recherche

La SHMESP, en s’associant à un grand nombre de sociétés savantes dans deux tribunes publiées par le Monde et la presse régionale, a exprimé son opposition aux propositions des rapports rédigés par les groupes de travail mis en place par le gouvernement pour préparer la Loi de programmation sur la recherche, et à la vision de la recherche et de l’enseignement supérieur qui les sous-tend.
Nous vous relayons un appel à signature des Directions de laboratoire de recherche pour un moratoire sur la LPPR et pour la tenue d’Etats généraux de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur, et soutenons cette initiative.
https://framaforms.org/moratoire-lppr-1579126603.

Nocturnes de l’Histoire

L’initiative, lancée pour le 1er avril 2020 par les quatre associations d’historiens du supérieur, des Nocturnes de l’Histoire, a rencontré un grand succès malgré un calendrier contraint cette première année. Près d’une centaine de manifestations ont été retenues, couvrant toutes les régions, et associant laboratoires, bibliothèques, archives, musées, sociétés savantes, associations de professeurs et d’étudiants, etc. Vous trouverez l’ensemble de ces manifestations sur le site https://nocturnesdelhistoire.com/. N’hésitez pas à les faire connaître autour de vous, aux collègues et étudiants, et par vos relais dans les media. Cette réussite nous conduit à les poursuivre en 2021. Vous recevrez prochainement un appel à candidature, mais vous pouvez déjà noter la date : le mercredi 31 mars 2021.

Réformes du master MEEF et du CAPES

Le 16 janvier le ministre de l’Education nationale a annoncé devant la CPU le report de la réforme du master MEEF et du CAPES. La SHMESP avait déjà pris position, demandant ce report et une concertation avec tous les acteurs concernés, et nous ne pouvons donc que nous féliciter de cette décision. D’autres motions, notamment d’UFR, ont souligné les dangers des choix qui avaient été proposés par le ministère : recul dans les épreuves, au nom de la « professionnalisation », du disciplinaire, remplacé par un entretien d’embauche aux contours flous ; menaces sur le maintien de questions de concours (et donc de la médiévale) ; impossibilité pour les étudiants de Master 2 de mener de front préparation du concours, mémoire et stage en tiers-temps en établissement ; difficultés dans certaines académies pour trouver des stages pour tous les étudiants et risque de mise en place d’un numerus clausus ; utilisation d’étudiants en statut précaire pour pallier les manques de postes de titulaires; inconnues sur l’année de transition… N’hésitez pas à nous faire remonter les prises de positions dans vos universités sur cette question ; nous les ferons figurer sur le site de la SHMESP. Nous prendrons bien sûr toute notre part, aux côtés des autres associations d’enseignants du supérieur et du secondaire, pour défendre une formation et un concours garantissant le niveau des futurs professeurs.

Mises en disponibilité des doctorants contractuels : réponse de la DGRH

Suite à nos courriers relatifs aux difficultés rencontrées dans le rectorat de Versailles par les doctorants contractuels pour obtenir leur mise en disponibilité, le Directeur Général des Ressources Humaines a apporté la réponse suivante, par un courrier du 19 décembre :
« Lors de leur réussite aux concours de l’enseignement scolaire du second degré (à l’exception de l’agrégation externe spéciale), les lauréats susceptibles d’être recrutés en qualités de doctorants contractuels peuvent solliciter le report du bénéfice de ce concours pour effectuer des études doctorales, ou, si ce contrat comporte des heures d’enseignement, être nommés stagiaires en qualité de doctorant contractuel. Dès lors qu’ils effectuent cette démarche dès leur réussite au concours, avant d’être affectés dans une académie pour y effectuer leur stage, cette possibilité leur est acquise à la seule condition de fournir, au plus tard le 1er novembre de l’année du concours, une copie de leur contrat d’engagement. Cette possibilité traduit la politique volontariste menée par la direction générale des ressources humaines du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse en faveur des liens étroits entre l’enseignement scolaire et l’enseignement supérieur.
Si les enseignants ne sont pas en mesure de produire ces éléments ou si ce projet est mis en oeuvre plus tard dans leur carrière, leur demande relève alors de la compétence de leur académie d’affectation. S’agissant de l’académie de Versailles, les refus qui sont opposés résultent de l’obligation de satisfaire prioritairement les besoins d’enseignement des élèves scolarisés et du nombre insuffisant des enseignants disponibles.
Soyez cependant assurés de ma vigilance sur ce sujet sur lequel je ne manquerai pas d’échanger avec les recteurs, notamment lors des prochains dialogues de gestion au cours desquels sont évoqués les moyens d’enseignement de chaque académie. »
Jusqu’à présent nous n’avions obtenu aucun engagement écrit, et cette réponse peut donc être considérée comme un premier pas en avant. Elle ne règle certes pas les questions de refus de mises en disponibilité ou de détachements sollicités après l’année d’obtention des concours, ce qui reste un problème notamment pour les ATER ou les contrats post-doctoraux, pour lesquels nous devrons continuer à demander des textes de cadrage clairs et des solutions. Nous vous recommandons donc d’informer vos étudiants de ces engagements pour qu’ils respectent cette procédure, en évitant autant que possible de demander les académies en souseffectifs d’enseignants.

Appel à cotisation 2020 et annuaires 2019

La cotisation annuelle, votée lors de la dernière assemblée générale d’automne, s’élève pour 2020 à 25 euros pour les sociétaires et les membres associés, et 20 euros pour les membres associés temporaires. Si vous souhaitez recevoir la nouvelle édition de l’annuaire, merci d’ajouter à votre cotisation 5,50 euros pour les frais de port.
Ceux d’entre vous qui, ayant payé leur cotisation pour l’année 2020, avaient prévu de récupérer un ou des exemplaires de l’annuaire à l’occasion de la dernière Assemblée générale et n’ont pu le faire en raison du retard de la livraison peuvent nous le signaler pour être exemptés de ces frais de port. De même, ceux qui le souhaitent peuvent demander à ce qu’un exemplaire soit déposé à leur attention dans le casier de la SHMESP à la Sorbonne. Nous encourageons par ailleurs les collègues à privilégier les envois groupés, par établissement, afin de limiter ces frais postaux.
Le règlement peut être effectué de deux manières :
De préférence, par virement bancaire sur le compte de la Société, dont les coordonnées bancaires figurent cidessous.
Merci de bien vouloir préciser votre nom dans le champ « objet » (ou équivalent) ainsi que « cotisation + année(s) concernée(s) » afin que votre versement puisse être identifié sur les relevés de compte :
Nom : Société des Historiens Médiévistes
Banque : Caisse d’Épargne Île-de-France
Agence : Paris-Pernety
IBAN : FR76 1751 5900 0008 0019 9206 145
BIC : CEPAFRPP751
À défaut, par chèque, libellé à l’ordre de la SHMESP, et envoyé à l’adresse suivante :
Stéphane Péquignot
École pratique des hautes études
45-47 rue des Ecoles
75005 Paris
Pour toute information concernant les cotisations et l’envoi des annuaires, merci d’écrire au trésorier.

Postes, bourses et contrats doctoraux

Nous vous invitons à nous communiquer les annonces de postes, stages et bourses dès que vous en avez connaissance afin d’en assurer la diffusion la plus rapide possible. Elles sont postées, aussitôt qu’elles parviennent au secrétariat général de la SHMESP, sur notre page Facebook (Shmesp – Société des historiens médiévistes de l’Enseignement supérieur), notre compte Twitter (@shmesp) et sur notre site, où nous vous invitons à les consulter.

Appel pour des chercheurs post-doctorants ou doctorants dans le cadre du EUqU project

L’Université de Nantes, le Consejo Superior de Investigaciones Científicas, l’Università di Napoli l’Orientale, l’University of Kent et l’University of Amsterdam proposent à des candidats doctorants ou post-doctorants de rejoindre leur projet « The European Qur’an: Islamic Scripture in European Culture and Religion (1150-1850) ».
Retrouvez l’appel pour les doctorants (en anglais) ici et pour les post-doctorants là.

Appel à candidatures : École thématique « Penser les archives de l’archéologie au Maghreb », 14.04-17.04.2020

Nous avons le plaisir de vous adresser le lien vers la plate-forme de l’appel à candidatures pour la prochaine École thématique organisée par le Réseau d’études maghrébines (REM) qui aura lieu à l’IRMC, à Tunis, du 14 avril au 18 avril 2020. [date limite d’inscription : 24 janvier 2020]
https://www.casadevelazquez. org/es/investigacion/novedad/ penser-les-archives-de- larcheologie-aumaghreb/.

Soutenances

Julie Dhondt soutiendra sa thèse, Sous le signe du Tau. De la fraternité laïque à l’abbaye, Saint-Antoine et son réseau de dépendances dans les Alpes occidentales du XIe au XVe siècle, le mercredi 19 février 2020 à 14h en salle Caillemer (15 quai Claude Bernard, Lyon 7e), devant un jury composé de Mme Cécile Caby, Mme Eliana Magnani, M. Laurent Ripart, M. Daniel Russo et M. Alain Dubreucq, directeur de thèse. 

Parutions

Lise Saussus et Nicolas Thomas (dir.), Un atelier d’orfèvre autour de l’an mil. Travail du cuivre, de l’argent et du fer à Oostvleteren (Flandre occidentale, Belgique), Louvain-la-Neuve, Presses universitaires de Louvain, 2019. ISBN : 978-2-87558-879-1.

Jessika Nowak, Jens Schneider, Anne Wagner (dir.), Ein Raum im Umbruch ? Herrschaftsstrategien in Besançon im Hochmittelalter, Cologne-Vienne-Weimar, Böhlau, 2020. ISBN: 978-3-412-51164-7.

La correspondance de Girolamo Zorzi, ambassadeur vénitien en France (1485-1488), édition critique par Joël Blanchard, Giovanni Ciappelli, Matthieu Scherman, Genève, Droz, 2020, LXVI. https://www.droz.org/eur/fr/7095-9782600060059.html.

Inter litteras et scientias. Recueil d’études en hommage à Catherine Jacquemard, Textes réunis par Brigitte Gauvin et Marie-Agnès Lucas-Avenel, Caen, Presse universitaires de Caen, 2019, 422 p. ISBN : 978-2-84133-938-9.

Yves Coativy, Aux origines de l’État breton. Servir le duc de Bretagne aux XIIIe et XIVe siècles, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2019, ISBN : 978-2-7535-7828-9.

Lydwine Scordia et Franck Collard, « Le coeur politique à la Renaissance », Revue Française d’Histoire des Idées Politiques, 50, 2019.

Grégory Combalbert (éd.), Actes des évêques d’Évreux (XIe siècle-1223), Caen, Presses universitaires de Caen (e-Cartae – Actépi), 2019. https://www.unicaen.fr/puc/sources/ecartae/evreux/.

Clémence Revest, Johann Petitjean, Arnaud Fossier, Écritures grises. Les instruments de travail des administrations (XIIᵉ-XVIIᵉ s.), Paris, Ecole Nationale des Chartes, 2019. ISBN : 978-2-35723-146-7.

Martine Charageat, Bernard Ribémont, Mathieu Soula et Mathieu Vivas (dir.), Résister à la justice. XIIe- XVIIIe siècles, Paris, Garnier, 2020. ISBN 978-2-406-09713-6. (Bon de commande ici).

Rencontres scientifiques

Nous rappelons aux collègues qui souhaitent faire part de la tenue d’un colloque de nous en avertir au moins deux mois avant la rencontre. Nous vous demandons également de privilégier systématiquement l’envoi de document en format Word ou Open Office et non le format PDF.

Séminaire d’Études Médiévales Ibériques (SEMI), Université de Toulouse Jean-Jaurès

Par leur situation géographique, par les activités qu’ils abritent et promeuvent, par les intérêts des chercheurs qui participent à les constituer, l’université de Toulouse-Jean Jaurès et plusieurs de ses laboratoires entretiennent depuis longtemps une relation privilégiée avec le monde ibérique. Ce tropisme géographique et scientifique s’est traditionnellement manifesté dans le champ des études médiévales. L’objectif du Séminaire d’études médiévales ibériques est de consolider la synergie naturellement amorcée par ce terrain d’investigation commun à plusieurs chercheurs de la région toulousaine, venus d’horizons disciplinaires variés, en leur donnant l’occasion de se rencontrer régulièrement dans un séminaire-atelier où la recherche se montre in progress. Le séminaire est ouvert à tous les chercheurs, confirmés et apprentis, qui s’intéressent de près ou de plus loin à l’histoire, la littérature, l’histoire de l’art et l’archéologie de la péninsule Ibérique médiévale.
(Contact Florian Gallon : florian.gallon@univ-tlse2.fr)
Le calendrier des rencontres est le suivant :
• Lundi 16 mars 2020- 9h30-12h : Anna Alberni (Universitat de Barcelona) et Alexandra Beauchamp (Université de Limoges), Autour du programme de recherche (ERC) Mimus loculator seu Mimus. Performing Music and Poetry in Medieval Iberia.
• Lundi 30 mars 2020- 9h30-12h : Juan Vicente García Marsilla (Universitat de Valencia) et Sandrine Victor (Institut National Universitaire Champollion- Albi), Que donnent à voir les chantiers urbains médiévaux ? Les chantiers catalans et valenciens comme marqueurs de contextes.
• Lundi 27 avril 2020- 10h-12h : Gaëlle Bosseman (Université Toulouse Jean-Jaurès), La péninsule Ibérique entre Orient et Occident. Le cas des textes eschatologiques et apocalyptiques (VIIIe-XIe siècle).

Monde canonial, monde monastique. Transferts, permutations, échanges. IXe-XIIe siècle. Colloque conclusif du programme Col&Mon (ANR -15-CE27-0005). Saint-Étienne, Université Jean Monnet, 27-29 février 2020.

Les évolutions ecclésiales nées des réformes orchestrées dans le Moyen Âge carolingien et post carolingien ont parfois donné lieu à des mutations institutionnelles des établissements religieux qui ont vu leur desservance évoluer par l’installation de communautés de clercs, de chanoines réguliers ou de moines. Ces transformations de statuts ont notamment concerné des transferts du séculier communautaire vers le régulier et, vice versa, du régulier monastique ou canonial, vers le séculier communautaire. Ce phénomène, ponctuellement connu depuis longtemps dans l’historiographie, notamment pour les XIe-XIIe siècles et à travers l’essor des chapitres castraux et de la domination des seigneuries ecclésiales, a cependant très peu été étudié pour lui-même, car beaucoup d’établissements religieux n’ont été envisagés que pour un temps spécifique de leur histoire, mais rarement sous l’angle des évolutions institutionnelles qu’ils ont pu connaître sur le temps long, entre occupation primitive et dissolution révolutionnaire.
C’est là une des problématiques priorisée par le projet Col&Mon qui rassemble des données sur les établissements de l’espace français abritant un clergé communautaire séculier ou régulier. Ces collégiales et monastères y sont envisagés non pas sous le seul angle de leur vie canoniale ou monastique mais comme des implantations qui ont connu, depuis leurs origines, des occupations successives, profanes et/ou religieuses. Au sein des occupations religieuses, Col&Mon répertorie et documente ces changements de statuts tout en mettant au point des outils graphiques et cartographiques de visualisation et d’analyse spatio-temporelle de ces évolutions institutionnelles. L’un des objectifs de ces outils d’analyse spatiale sera de mesurer l’ampleur de ce phénomène, sa chronologie et sa distribution spatiale, probablement grandement sous-estimée.
On partira d’un questionnement d’abord centré sur une évaluation quantitative du phénomène : Quel pourcentage des implantations communautaires connues à partir de l’époque carolingienne a été affecté par ce type de transformations ? Y-a-t-il des diocèses où ces transformations ont été plus fréquentes ? Peut-on repérer des périodes dans la chronologie où ces transformations sont les plus nombreuses ? Ou, au contraire, est-ce un phénomène plus ou moins récurrent ? À l’inverse, y-a-t-il des comportements « aberrants » par rapport à des tendances dominantes ? Y-a-t-il des types d’établissements plus sensibles que d’autres à ces évolutions ? En fonction des époques, va-t-on plutôt du séculier vers le régulier ou du régulier vers le séculier ? À quel moment ? Dans quelle proportion ? On essaiera ensuite de cerner les causes et le cadre de ces évolutions. Part de la réforme, initiative laïque ou ecclésiastique, quels sont les moteurs de ces mutations institutionnelles ? Les figures d’autorité que représentent les évêques, les abbés ou les grands protecteurs laïques sont-elles des clés de compréhension du phénomène ? On accordera une place aux tentatives avortées de transformations de statuts en essayant de cerner les causes de ces échecs. On s’attachera enfin à comprendre les conséquences de ces mutations : en termes d’observance ; en termes de transition entre la communauté ancienne et la communauté nouvelle ; en termes d’organisation interne ; en termes de positionnement sur l’échiquier des pouvoirs régionaux ou encore en termes de distribution monumentale et architecturale.
Programme complet disponible ici.

Colloque Arbitraire et arbitrages : les zones grises du pouvoir (XIIe-XVIIIe siècle), Université du Québec à Montréal : 5-7 mai 2021

Dans le monde occidental contemporain régi par le droit et la loi, par les constitutions et les chartes, envahi par une normativité galopante, l’idée que le pouvoir puisse avoir une part d’arbitraire peut surprendre ou choquer. Les dictionnaires de la langue française, depuis la première édition de celui de l’Académie en 1694, donnent le ton : « On appelle pouvoir arbitraire un pouvoir absolu qui n’a pour règle que la volonté du souverain. Il ne se dit qu’en mauvaise part. » Cette mauvaise part persiste et s’amplifie même par la suite. Le dictionnaire Larousse définit ainsi l’arbitraire comme rien de moins que ce « qui dépend de la volonté, du bon plaisir de quelqu’un et intervient en violation de la loi ou de la justice ». En 1690 pourtant Antoine Furetière proposait une définition plus nuancée, reflétant une signification ancienne inspirée de la pratique du droit : « qui dépend de l’estimation des hommes, qui n’est point fixé par le droit, ni par la loi », un sens que l’on retrouve déjà chez Jean Froissart en 1397 : « qui dépend de la décision du juge », tout simplement.
L’ambivalence du mot arbitraire s’enrichit d’une connotation bien plus positive lorsque l’on introduit le terme, plus acceptable aujourd’hui, de « discrétion ». Chargé des valeurs morales d’intelligence, de compétence ou de sensibilité, on le réserve plus volontiers aux juges dans l’exercice de leurs fonctions, qu’aux hommes et aux femmes qui interviennent dans le champ du politique, dépositaires des souverainetés nationales ou simples agents chargés du maintien et de l’application des lois. C’est qu’aucune loi, aucune constitution, aucune norme ne peut prétendre régir l’intégralité de l’activité humaine ni non plus définir avec objectivité la manière dont sont appliquées l’ensemble de ces normes. Contre Accurse, pour qui « tout se trouve dans le corps du droit », Thomas d’Aquin reconnaissait que le législateur ne pouvait ni ne voulait tout exprimer dans la loi. Il reconnaissait donc l’existence d’une zone grise qui échappe aussi bien à l’interprétation juridique qu’à l’administration de preuves rationnelles. Les circonstances infinies des relations humaines ne se laissent, en outre, pas enfermer dans les codes et traités normatifs. Leur nécessaire appréciation dans les processus de régulation des relations sociales implique également de laisser une certaine latitude à ceux qui en sont en charge. Dans l’administration de la justice par exemple, l’arbitraire des juges a été défini, dès le XIIe siècle, comme la capacité d’appréciation des circonstances des crimes ou des délits afin d’arbitrer, c’est-à-dire, simplement, de choisir les peines les plus appropriées. Par ailleurs, l’arbitrage du juge, presque universellement reconnu, ne se distingue pas nettement de celui des arbitres du droit privé, « amiables compositeurs » investis par la volonté des parties d’une fonction médiatrice aussi déterminante que celle des juges dans la procédure du règlement des conflits.
Le prince, le juge et l’arbitre, chacun dans son champ d’action et dans la limite de ses capacités, répondent à un même besoin des sociétés humaines de réguler les interactions sociales (instaurer et garantir le respect des normes ou des lois) ; de combler le fossé entre les normes et les pratiques (par exemple à propos de la détermination ou de l’application des peines) ; de compenser l’absence de normes reconnues (vides juridiques ou cas de terra nullius) ; ou encore de régir les modes de dérogation à la norme (par exemple dans les cas d’exception fondés sur la nécessité). En cela, l’arbitraire se situe au carrefour de la contrainte et de la liberté, dans un clair-obscur de l’exercice du pouvoir, lieu d’insertion de valeurs morales comme la caritas, la grâce et la miséricorde. Il introduit les notions de transaction, de négociation et de contrat, abordées dans plusieurs études récentes qui proposent de revisiter les schémas encore trop linéaires qui président à notre compréhension de la construction de l’État et de la souveraineté modernes. Et si entre le temps de Froissart et celui des lexicographes de la fin du XVIIe siècle, l’affirmation du pouvoir, les transformations de la notion de souveraineté et l’évolution des modes de gouvernement ont gommé la dualité originelle du terme arbitraire, entre arbitrage et arbitraire, ils n’ont pas fait disparaître l’importance de la légitimité, de la recherche du consensus et du consentement, comme corollaire de l’exercice du pouvoir dans tout régime politique, à
l’exception peut-être de la tyrannie.
Ce colloque, au carrefour de l’histoire, du droit, de la philosophie et de l’anthropologie, propose d’envisager de manière pluridisciplinaire ou interdisciplinaire et par une lecture comparative les pratiques arbitraires/arbitrales dans le champ du droit privé, du droit pénal et de l’exercice du pouvoir public. Il cherche ainsi à observer les limites posées par le droit, la coutume, la morale à la liberté de l’exercice d’un pouvoir contraignant, voire absolu, dans l’espace européen et dans ses colonies, entre le XIIe et le XVIIIe siècle. Plus concrètement, les propositions pourront se pencher sur :
– les pratiques de la souveraineté médiées par des instances de représentation ouvrant au dialogue à différentes échelles (conseils, diètes, cortès, parlements, états et assemblées) ;
– la pratique de l’exception comme la grâce, les rémissions ou les abolitions ;
– les modalités d’interpellation des pouvoirs comme la supplique, la requête ou la pétition ;
– les lieux, les moments et les modalités d’exercice et d’application
• de l’arbitrage proprement dits, en tant que renoncement volontaire à une marge de liberté au bénéfice d’un tiers ;
• de l’exception dans les domaines politique (suivant l’aphorisme de Karl Schmitt, « Le souverain est celui qui décide de/dans la nécessité »), ou du droit (cas royaux, lèse-majesté, voire procès politiques)
– ainsi que les tensions et les résistances produites par l’exercice de l’arbitraire (par exemple la mise par écrit des coutumes).
Nombre de ces éléments ont fait l’objet d’études, parfois récentes et souvent exhaustives. L’intérêt de ce colloque tient plutôt à la réflexion croisée qu’il propose sur convergences et les divergences qui unissent ou, au contraire, opposent ces pratiques pour mieux comprendre la diversité des pratiques politiques de l’Europe médiévale et moderne : existence de contraintes conjoncturelles et structurelles (sociales ou institutionnelles) ; interférence de l’action humaine dans les pratiques du pouvoir (l’arbitraire/arbitrage étant par définition oeuvre humaine et non institutionnelle) ; lieux de réflexion sur ces marges du pouvoir où interagissent souvent le droit et la morale (traités juridiques ou des peines comme le De poenis temperandis de Tiraqueau, miroirs des princes ou traités de gouvernement de toute nature). Cette approche pourrait enrichir une réflexion plus ouverte encore, sur la fonction de lissage de l’ensemble de ces pratiques arbitrales dans le choc des libertés en conflit, sur la fragilité des espaces-limites entre polities et tyrannies ou sur la persistance d’un oxymore qui n’est qu’apparent : y a-t-il un lieu de normativité de l’arbitraire ?
Le colloque se tiendra à l’Université du Québec à Montréal du 5 au 7 mai 2021. Les propositions de communications (1500 caractères) accompagnées d’un bref curriculum vitae sont à adresser avant le 1er mai 2020 par voie électronique à :
Benjamin Deruelle, professeur
Département d’histoire
Université du Québec à Montréal
deruelle.benjamin@uqam.ca
ou à :
Michel Hébert, professeur émérite
Département d’histoire
Université du Québec à Montréal
hebert.michel@uqam.ca
Note importante : Dans toute la mesure du possible, les organisateurs chercheront à assurer le transport et le logement des participants au colloque. Cependant, tous ceux ou celles qui peuvent éventuellement assurer leur propre financement, par la voie de leurs universités ou de centres de recherche, sont invités à le faire savoir au moment de l’envoi du dépôt de leur proposition. L’existence de tels financements externes (même non encore assurés), en effet, est un important prérequis pour la demande de subvention générale qui sera déposée pour l’organisation du colloque.
Comité scientifique : Pascal Bastien (UQAM), Josep Capdeferro (U. Pompeu Fabra), Fanny Cosandey (EHESS), Benjamin Deruelle (UQAM), Jean-Philippe Garneau (UQAM), Claude Gauvard (U. Paris 1), Michel Hébert (UQAM), Olivier Mattéoni (U. Paris 1), Lyse Roy (UQAM).

Appels à communication/contribution

Mourir au château (Xe-XXIe siècles), Périgueux : 25, 26 et 27 septembre 2020

L’Association des Rencontres d’archéologie et d’histoire en Périgord consacrera son colloque annuel, qui se tiendra comme chaque année depuis plus d’un quart de siècle à Périgueux, au thème : Mourir au château.Ce choix impose d’envisager une typologie des trépas liée au cadre châtelain, capable d’évoluer dans la longue durée.Le château peut être le lieu de décès «ordinaires» mais aussi de morts violentes, précipitées, imprévues, accidentelles ou préméditées, voire d’assassinats. Afin de limiter le nombre des exemples qui ont fait des châteaux d’ultimes refuges ou des repaires de violences intérieures ou extérieures, on pourrait retenir les endroits précis où se déroulent ces morts: cachots, douves et ponts-levis, cuisines, chambres, escaliers. Le cinéma serait une illustration parfaite de cette partie du prochain colloque, sans oublier l’archéologie…
Concernant l’«ars moriendi», tellement mis en valeur à la Renaissance, comment s’est opéré le passage de la mort héroïque sur le champ de bataille, à la manière de Bayard, à la mort seigneuriale à la manière de Brantôme, de Montaigne et de tant d’autres dont les exemples peuplent la littérature, des Mémoires aux romans? En amont de ce passage de la mort, seront à étudier les pratiques attachées aux testaments (témoins, notaires, moment et lieu), aux dernières volontés et aux successions : soit une partie juridique qui devrait intéresser des historiens du droit et qui traverse les siècles. Bien des exemples sont capables d’illustrer ce thème sans retenir exclusivement les seules exceptions d’héritiers déshérités ou de captations d’héritages par des intrus et, surtout, des intruses. Cette mort préparée suppose le choix d’un ordonnancement funéraire, au sein du château, avec l’accompagnement des familiers, des serviteurs, des domestiques, des tenanciers. Un rôle particulier est souvent dévolu aux pauvres, dans un cadre de charité et de piété, revivifiées par le concile de Trente. En aval des décès châtelains, les cérémonies des enterrements et les pratiques d’inhumation au château (chapelle castrale) ou à proximité sont une occasion de réunions familiales, de rassemblements des gens du château et des paroissiens alentours. Les pratiques de conservation des corps, les techniques d’embaumement peuvent solliciter l’attention. Au-delà du cérémonial, il convient d’envisager l’édification de tombeaux, de nécropoles, de chapelle castrale, la rédaction d’épitaphes, la confection de stèles et autres monuments funéraires présents dans le château ou dans son parc pour perpétuer le souvenir des défunts.L’ancienneté des sépultures est un gage de celle des lignages. Plus généralement, on s’interrogera sur la périodisation du choix des lieux de sépulture: à l’inhumation dans la seigneurie-parc du château et sol de l’église paroissiale-, succèdent dans le cours du XIXe siècle la pratique d’un enclos séparé dans le cimetière communal et l’urbanisation des sépultures dans les cimetières citadins.
Les propositions de communications (environ 1500 signes), accompagnées d’une brève biobibliographie de l’auteur.e doivent être adressées au plus tard le 30 janvier 2020, par voie électronique, en format Word à Dominique Picco, secrétaire des Rencontres.: dominique.picco@u-bordeaux-montaigne.fr, et Juliette Glikman, secrétaire adjointe, juliette.glikman@orange.fr. Ou par voie postale à
Dominique Picco
Université Bordeaux-Montaigne
UFR humanités, Département histoire
Campus universitaire
33607 Pessac cedex. 

Appel à contribution aux Cahiers de Civilisation Médiévale (revue trimestrielle dédiée à tous les aspects de la civilisation romane, Xe-XIIe siècles, rattachée au CESCM)

Les propositions d’articles sont à envoyer par courriel au secrétariat de la revue (ccm.cescm@univ-poitiers.fr).
Les articles doivent être en français et inédits. Ils sont évalués anonymement par deux ou trois experts (voir PDF grille d’évaluation en ligne).
Conformément à l’usage, l’auteur s’engage à ne pas soumettre son texte à une autre revue avant d’avoir reçu une réponse de la rédaction. Les recommandations aux auteurs sont à suivre impérativement (voir PDF note aux auteurs en ligne). Les détails (notamment la grille d’évaluation par les experts et les normes à suivre) sont en ligne.

Revue Genre & Histoire

La revue Genre & Histoire, revue électronique, a été créée à l’initiative de l’association Mnémosyne (www.mnemosyne.asso.fr).
Elle constitue un espace de publication ouvert à toutes celles et tous ceux dont les recherches s’inscrivent dans le domaine des études du genre, quelles que soient la période et la société analysées, avec une attention toute particulière aux jeunes chercheur.es et étudiant.es (Master et Doctorat) d’histoire ainsi que d’autres disciplines – sociologie, philosophie, anthropologie, géographie, sciences politiques, sciences de l’éducation, littérature, civilisations, Staps, etc. – lorsque les travaux comportent une dimension historique.
La revue est semestrielle et n’accepte que des textes inédits en français mais aussi en anglais, en espagnol, italien et allemand. Les contributions proposées (entre 35 et 40 000 signes, espaces et notes compris), accompagnées d’un résumé et de mots-clés en français et en anglais, sont soumises à une double expertise anonyme. Merci de bien respecter les instructions aux auteur.es figurant sur le site de la revue (https://journals.openedition.org/genrehistoire/631).

Les propositions d’articles sont à envoyer à : genre-ethistoire@mnemosyne.asso.fr.

The Balzan Seminar on the formation, maintenance, and failure of states in the Muslim world before 1800

A new seminar entitled « The Balzan Seminar on the formation, maintenance, and failure of states in the Muslim world before 1800” enclosed. The project will run for five years and coordinated by Michael Cook and Antoine Borrut.
More details here.

Journée d’étude des doctorant.e.s de l’AFHMT : « Écrire le travail ».

La journée d’études aura lieu le mercredi 1er avril 2020 au Campus Condorcet, à Aubervilliers (métro Front Populaire). Chaque intervention sera discutée par des professeur.e.s invité.e.s pour l’occasion (les textes devront être transmis une semaine avant aux organisateurs et organisatrices qui se chargeront de les faire parvenir aux discutant.e.s).
Les propositions de communications (moins de 5000 signes) sont à envoyer avant le 15 février 2020 à Romain Castellesi (romain.castellesi@gmail.com), Amandine Tabutaud (amandine.tabutaud@orange.fr) et Adeline Blaszkiewicz (blaszkiewicz.adeline@gmail.com).
Pour leur rendez-vous annuel, les doctorant.e.s de l’AFHMT proposent de questionner la question de l’écriture du travail. Cette journée d’étude s’inscrit dans une actualité politique, sociale et historiographique qui donne une acuité particulière à cette question (La parution de l’ouvrage collectif dirigé par le sociologue Marc Loriol «Écrire à propos du travail », en plein mouvement des gilets jaunes en 2019 a donné une nouvelle occasion aux chercheurs et chercheuses en sciences humaines de déconstruire les discours produits sur les classes populaires par des acteurs qui lui sont extérieurs, qu’ils soient politiques ou médiatiques. En ce sens, Xavier Vigna a mis en avant deux pôles structurants entre lesquels oscillent les écritures de la classe ouvrière et les écritures sur la classe ouvrière, à savoir l’espoir et l’effroi, selon le titre de son ouvrage éponyme dans son ouvrage L’espoir et l’effroi. Luttes d’écritures et luttes de classes en France au XXe siècle, Paris, La Découverte, coll. « Sciences humaines », 2016). Le succès d’ouvrages de travailleurs et/ou sur les travailleurs, à l’instar Joseph Ponthus, A la ligne (Joseph Ponthus, A la ligne, La table ronde, 2019), montre la diversification des écritures sur le travail à l’épreuve de ses formes les plus contemporaines, comme le développement de l’intérim. Ces oeuvres montrent que la mise en récit des expériences au et/ou de travail, contribue à rendre visible des acteur.rice.s dont la voix est habituellement peu ou pas audible, en raison de leur position subalterne dans la société (appartenance de classe, de genre, de race). Aussi, ces récits constituent des sources singulières pour les chercheurs lorsqu’il s’agit de saisir la parole et les pratiques ouvrières notamment.
Cette journée d’étude accueillera prioritairement mais non exclusivement, et sur toutes les périodes de l’histoire, les communications portant sur les écrits produits par les travailleurs et travailleuses eux-mêmes. Ces écritures peuvent être de nature diverse (carnets, journaux, autobiographies, romans, écrits collectifs…) et revêtir des objectifs eux-mêmes variés, qu’il s’agisse d’écrits à vocation de témoignage, ou d’entreprises de nature philosophique, anthropologique, voire politique, et que leurs auteur.e.s aient cherché à publier ou non.
Les communications pourront interroger plusieurs axes de réflexions.
Les communications pourront s’attacher à étudier la nature de l’écriture du travail qu’elle soit littéraire, sociale ou politique, ou que ces objectifs soient mêlés.
La question de l’expérience de l’écriture pour celui ou celle qui prend la plume pourra aussi faire l’objet d’une attention particulière. L’écriture ouvrière, d’abord individuelle, peut s’incarner dans l’expérience collective, et être le support de mobilisation de nouvelles identités professionnelles et collectives.
On pourra également s’interroger sur l’expérience de l’écriture elle-même, notamment les contextes de prise de plume ainsi que les pratiques et les modalités de l’écriture du et sur le travail. Pourquoi un.e auteur.e – ou un.e travailleur.euse – se met-il/elle à écrire ? Comment écrit-il ? Dans quelle forme ? A quel rythme ?, etc.
L’expérience personnelle, sociale et politique de l’écriture recouvre en effet des actions d’écriture et des temporalités multiples qu’il est pertinent de repérer dans les textes et les paratextes. Une attention particulière peut être portée aux discours produits par les textes des travailleurs.euses. À travers les souvenirs, les réflexions, les visions et les appréciations sur le travail, les auteurs apportent des connaissances sur les univers sociaux, professionnels et politiques auxquels ils appartiennent comme ils
contribuent à en véhiculer de nouvelles représentations.Les discours construits par les auteurs sont également des manières différenciées de se représenter et de penser une condition de travailleur. La manière dont ces écritures opèrent une transformation du rapport au travail pourra également être étudiée. Elles peuvent entraîner tantôt une distanciation par rapport au travail, être un vecteur d’émancipation ou de mobilisation politique.
Enfin, les écritures de la fin du travail ou de son absence, produites dans un contexte de chômage ou de désindustrialisation par exemple pourront également être étudiées, comme révélatrices de la centralité du travail dans les interactions sociales des individus.
Les écrits à propos du travail tels que les enquêtes, les rapports, le regard des chercheurs ou des écrivains auront également leur place dans cette journée d’études, dans la lignée du récent ouvrage collectif dirigé par Eric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Isabelle Lespinet-Moret et Xavier Vigna consacré aux enquêtes sur les mondes ouvriers dans l’Europe contemporaine.
Dans l’esprit ayant présidé aux précédentes journées d’études, nous souhaitons donner à voir un ensemble de travaux, dont les spectres chronologiques, thématiques, spatiaux et disciplinaires sont délibérément ouverts. Ils reflèteront ainsi la diversité des écritures du travail, et ouvriront un débat scientifique et méthodologique.

Les écritures judiciaires : formes et légitimités des décisions de justice depuis le Moyen Âge. Colloque à la MSHA, Bordeaux, 25-27 novembre 2020

Dans le renouvellement des analyses portant sur l’histoire de la justice, la pratique judiciaire et l’application des peines sont bien souvent au coeur de l’attention. La focale portée sur les effets recherchés de cette justice (la pacification, l’imposition d’un ordre juridique étatique) amène à privilégier le rituel judiciaire, le rituel pénal, les modes amiables ou négociés de résolution des conflits, mais aussi les évitements et résistances opposés à la justice. D’une certaine manière, tout se passe comme si le travail effectif de cette justice se résumait à la procédure, à la peine et aux stratégies des justiciables. Reste pourtant dans l’ombre le travail de mise en forme des décisions de justice, c’est-à-dire les moyens déployés par l’institution pour faire voir et faire valoir, pour dire et faire accepter ses verdicts ; pour, en mot, légitimer par une opération de formalisation la violence brute de ses décisions. Les débats porteront aussi bien sur les sentences définitives que sur les sentences interlocutoires et arbitrales. Il s’agit de décisions de justice dont la forme et le contenu dépendent de l’étape procédurale et/ou de l’étape à laquelle les parties en litige sont parvenues dans la résolution du conflit, avec ou sans juges et arbitres. C’est ce travail de mise en forme des décisions de justice que ce colloque voudrait interroger : comment sont écrites, dites et accueillies les décisions de justice ?
Axe 1- Rédiger, écrire, mettre en forme
Dans le sillage des travaux de Donald McKenzie (La bibliographie et la sociologie des textes), l’attention sera portée sur les formes du texte des sentences, entendues dans un double sens : leur matérialité et leur contenu. Les deux sont indissolublement liés car la forme du texte engage déjà un cadre de lecture et de compréhension. Les supports matériels du texte (sur une feuille, dans un registre, dans un répertoire) ses modes de rédaction (manuscrite, dactylographiée), sa mise à disposition (ouverte ou fermée), sa langue, sa lisibilité voire les fautes et imprécisions engagent inévitablement des lectures (conformes, contradictoires, aberrantes, fautives…) qui conditionnent la réception. Il s’agit ici de comprendre comment est structurellement et matériellement fabriquée la décision pour comprendre à la fois les ressorts de sa légitimité et les usages attendus.
Axe 2- De l’écrit à l’oral
Il s’agira également de s’interroger sur la vocalité des textes : bien souvent les justiciables n’ont pas recours au texte, mais ont pu l’entendre crier à son de trompe, ou rapporter par des témoignages qui en gardent la mémoire. Les parties sont souvent sommées de venir écouter les juges énoncer la sentence et manifester leur consentement à la décision prise…. L’enjeu ici est double. Tout d’abord, en quoi l’oralité d’une décision contribue à la faire connaître et à la faire accepter dans une société qui privilégie le recours croissant à l’écrit ? Comment est mise en scène, organisée et diffusée la parole de justice ? Qui vient l’entendre et comment estelle comprise ? L’autre enjeu est bien celui de la diffusion indirecte, c’est-à- dire la transmission de cette parole par les témoins : quelles sont les retraductions, les précisions qui s’égarent, les faits retenus.
Axe 3- Les enjeux de la mise en forme des jugements
Bien souvent la justice n’écrit ou ne dit pas tout dans sa sentence, laissant dans l’ombre, le secret ou l’inconnu des éléments de l’affaire. Quelle est la destination des informations révélées, quels sont les enjeux des éléments laissés inconnus ? Plus particulièrement cet axe propose d’analyser comment s’élabore une mémoire institutionnelle de ses propres décisions : qu’est-ce qui est conservé, qu’est-ce qui est rejeté, quelles appropriations et réemplois possibles ce travail de tri permet-il ?
Axe 4- Les effets attendus de cette mise en forme
Il sera question de mettre en relation le travail de mise en forme des décisions de justice avec leur réception : dans quelles mesures ce travail est effectif et performatif, dans quels cadres il ne l’est pas, quelles sont les pratiques sociales de contestation ou de réécriture de ces décisions ? Il s’agit ici d’entendre leur réception dans un sens large : il peut tout aussi bien être question du travail des juristes pour compiler ces sentences et ainsi leur donner une cohérence qui les rend plus légitimes, ce peut être encore des moyens de tourner en dérision ces décisions, de se moquer de la langue du droit, de contester, ou bien encore, dans la suite des travaux de Natalie Zemon Davies, de comprendre comment cette langue du droit s’impose et impose des manières de se présenter et de se raconter. La légitimation de la justice comme institution pouvant condamner, catégoriser, prescrire et assigner est bien au coeur du questionnement déployé dans ce dernier axe.
En définitive, cette rencontre entend mettre en lumière ce que le travail de mise en forme des sentences et autres décisions des juges engage chez l’historien et l’historien du droit comme lectures possibles des actes de jugement et, a contrario, ce qu’elle leur interdit.
Les propositions de contribution (un titre et 10 lignes de présentation) sont à renvoyées conjointement avant le 15 mars 2020 à
Mathieu Soula (mth.soula@gmail.com) et Martine Charageat (mcharageat@free.fr).

Varia

Les prix de thèse AFHE – BNP Paribas

Les prix de thèse AFHE – BNP Paribas (d’une valeur de 4000 € chacun) ont cette année été remis par Monsieur Jean Lemierre le 6 décembre à Claire Juillet ( Bâtir les relations professionnelles sous l’égide de l’État. Conflits et consensus, socio-économiques dans un établissement de constructions aéronautiques français (1943-1978), dir. J.-M. Olivier, Université Toulouse 2, 2018.) et Lise Saussus (La métallurgie du cuivre dans les villes médiévales des Flandres et des environs (XIIIe-XVe siècles) : hommes, ateliers, techniques et produits. L’exemple de Douai, dir. L. Verslype et N.Thomas, Université catholique de Louvain / INRAP-LAMOP, 2017).

Nouveautés du programme CBMA

Nous attirons votre attention vers les dernières nouveautés du programme CBMA. Le corpus hagiographique contenant 328 textes est désormais consultable sous Philologic4, grâce aux développements informatiques réalisés par Pierre Brochard. Ces textes et leurs métadonnées ont été compilés par Hélène Caillaud et Coraline Rey.
Cette opération portée par le LaMOP (Laboratoire de Médiévistique Occidentale de Paris – UMR 8589), est soutenue par le Labex HaStec en partenariat avec l’IRHT (CNRS), le Centre Jean Mabillon (EnC), LEM/CERCOR (CNRS/Université de Saint-Étienne).
Le corpus diplomatique de 27 000 actes lemmatisés est désormais interrogeable sous NoSketchEngine, outil très performant d’analyse lexicale et de fouille de texte. Cette nouvelle application a été installée avec l’aide de Krzysztof Nowak (Polish Academy of Sciences) et Pierre Brochard (CNRS-LaMOP).