Appel à communication : À propos des actes épiscopaux, nouvelles approches et nouveaux regards (Orléans, 16-17 juin 2022)

Responsables : Chantal Senséby et Grégory Combalbert,

avec le concours des partenaires du projet ACTÉPI

 

 Dans le cadre du projet ACTÉPI – Les actes épiscopaux français du Moyen Âge : édition multimodale et exploitation, financé par l’ANR sur la période 2019-2023, l’édition critique d’une vingtaine de corpus d’actes épiscopaux du nord et du centre de la France est actuellement en cours de préparation.

 Trente ans après le recueil de contributions publié en hommage à Lucie Fossier, à l’époque intitulé À propos des actes d’évêques, les éditions de corpus actuellement en préparation et les outils numériques utilisés pour leur traitement et leur exploitation permettent de jeter une lumière nouvelle sur ces sources riches que sont les actes épiscopaux et d’envisager des études précises et renouvelées à leur sujet.

 C’est pourquoi, dans le cadre du projet ACTÉPI, deux colloques sont organisés : du 15 au 17 juin 2022 à Orléans, et en mai 2023 en Lorraine. Le premier sera consacré aux actes épiscopaux eux-mêmes, à leurs caractéristiques, à leur composition, à leurs rédacteurs et à leurs conditions de rédaction. Le second portera sur les auteurs de ces actes, leurs pouvoirs et leurs réseaux, accessibles à travers le contenu des actes épiscopaux. Le présent appel à contribution concerne le premier de ces deux colloques.

 

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Depuis le colloque consacré aux actes d’évêques en 1989, dont les actes ont été publiés en 1991[1], qui avait été un temps fort et une étape majeure des études sur les actes épiscopaux, les contributions consacrées spécifiquement à ces sources, à leurs formes et à leurs conditions de rédaction n’ont pas été très nombreuses. L’étude magistrale de la chancellerie épiscopale d’Arras, qui a accompagné la publication des actes des évêques d’Arras, par Benoît-Michel Tock[2], a posé les bases méthodologiques de questionnements forts qui n’ont en général pas pu être appliqués à beaucoup d’autres cas, faute de corpus complètement rassemblés, édités et publiés. Des pistes ont été lancées en 2016, lors du colloque Écrire à l’ombre des cathédrales. Pratiques de l’écrit en milieu cathédral (espace anglo-normand et France de l’Ouest, Xe-XIIIe siècle), qui n’était cependant pas consacré exclusivement aux actes épiscopaux. Ponctuellement, des dossiers d’actes ou des portions de corpus en cours d’édition ont été exploités autour de thématiques précises, notamment pour étudier certaines formes écrites ou certaines parties du discours diplomatique. L’ambition du colloque ACTÉPI d’Orléans en 2022 est de favoriser une nouvelle dynamique en focalisant l’attention sur les actes des évêques, à l’appui de corpus très largement constitués et, pour certains, entièrement édités et préparés au format numérique, mais aussi d’outils d’interrogation et d’exploitation informatique permettant une approche différente des textes.

 

Le rassemblement d’études de cas sur de nombreux diocèses différents, mais dans les mêmes directions problématiques et à l’appui des mêmes sources, et de méthodes et d’outils identiques ou comparables permettra de donner à cette rencontre scientifique une cohérence forte favorisant l’approche comparatiste. Le colloque s’intéressera en particulier aux questions suivantes :

 

  1. Forme écrite et mise en forme des actes épiscopaux

 Des études précises sur les formes des actes, à entendre au sens le plus large, constitueront la base de la réflexion et une condition indispensable pour pouvoir aborder les autres thématiques proposées ci-dessous.

Avant toute chose, dans la suite du workshop ACTÉPI consacré à cette question en octobre 2020, la forme générale de l’acte peut être discutée, ce qui revient à ré-examiner la question : qu’est-ce qu’un « acte épiscopal » ? Documents portant la souscription de l’évêque, notices narratives dans lesquelles l’évêque est le disposant, chartes intitulées au nom de l’évêque et intégrant des formes épistolaires qui deviennent classiques, ou « cas limites » difficiles à classer. Des actes au nom d’un évêque et de son chapitre, ou encore d’un évêque et d’un des dignitaires doivent-ils être considérés de la même manière qu’un acte au nom de l’évêque seul ?  : des documents précis ou de petits dossiers pourront être exploités.

À l’inverse, à partir de corpus complets ou de portions de corpus suffisantes et cohérentes du point de vue chronologique, les études attendues à propos de la forme des actes seront également consacrées aux caractères internes et externes des actes. Les parties du discours diplomatiques feront l’objet d’une attention soutenue : certaines contributions pourront être consacrées à un seul caractère interne ou à plusieurs, traités de manière sérielle à l’échelle d’un ou de plusieurs corpus. Les préambules pourront bien sûr donner lieu à des travaux particuliers, dans le sillage des rares contributions déjà consacrées au sujet dans les actes épiscopaux. Les intitulations des évêques pourront également faire l’objet d’une attention soutenue, tout comme les corroborations et annonces des signes de validations. L’agencement des différentes parties du discours entre elles, c’est-à-dire la construction globale des actes, tout comme, plus particulièrement, la construction et l’organisation du coeur juridique que constituent l’exposé, le dispositif et la corroboration, sont également à considérer avec attention. L’usage de formules récurrentes voire d’un formulaire sera à relever, tout comme l’existence, la fréquence et la chronologie de certaines formes remarquables (vidimus, pancartes, chirographes, etc.).

Les caractères externes, en particulier la mise en forme des actes originaux (format, mise en page) ainsi que leur écriture et la graphie du texte qu’ils portent, sont des questions qui doivent être pleinement considérées et dont le traitement sera favorisé par un travail sur des corpus complets ou presque complets à l’appui d’images numériques. Les sceaux épiscopaux (conservés ou reproduits) ainsi que les modes de scellement sont pleinement inclus dans les thématiques mises à l’étude pour ce colloque.

 

  1. La recherche des influences documentaires

 Au-delà de l’observation, l’examen attentif et détaillé des formes des actes a plusieurs objectifs. Le premier peut consister à traquer et identifier les traces d’influences documentaires voire de reprises de modèles, perceptibles dans la présentation, l’écriture, la structure interne, le lexique ou les formules utilisées. Il peut s’agir d’influences des formes des bulles pontificales, de celles des actes royaux, impériaux ou princiers, ou de pratiques caractéristiques connues dans certains scriptoria monastiques. Dans la même perspective, les éventuels emprunts à des documents non diplomatiques (textes bibliques, patristiques et liturgiques, serments d’obéissance, etc.) seront aussi à évaluer comme le seront les remplois.

 L’influence de formes spécifiques ou rares attestées dans les actes de certains évêques, et possiblement caractéristiques de ces actes, sur les actes d’autres évêques et sur ceux de dignitaires et chapitres cathédraux est une question difficile mais importante. De même, dans les provinces ecclésiastiques où cela est possible, il est légitime de s’interroger sur l’existence ou non d’une influence formelle des actes archiépiscopaux sur les actes des évêques suffragants de l’archevêque. Ces questions permettent de s’intéresser à la circulation des hommes, voyageant avec leurs habitudes scripturaires, des écrits pouvant servir de modèle, ou des outils de rédaction comme les formulaires et les artes dictaminis.

 

  1. « Auteur ou impétrant ? ». Les conditions de production des actes et les lieux d’écriture

 Le deuxième objectif d’une étude scrupuleuse des formes des actes peut être « d’attribuer » la production de ces derniers à tel ou tel lieu ou foyer de production d’écrits. Plus précisément, cette étude, lorsqu’elle est menée en série dans l’ensemble d’un corpus pour une période donnée, et en relation avec l’étude du contexte documentaire de la région concernée, permet d’espérer déterminer si un acte a été rédigé et/ou écrit dans l’entourage de l’évêque, à la chancellerie épiscopale, pour utiliser un terme qui n’est pas universellement admis dans tous les diocèses à toutes les époques, ou plutôt dans le scriptorium du bénéficiaire. La question n’est pas nouvelle et ses données sont bien connues mais, hormis dans le cas d’Arras, elle n’a jamais été largement traitée. La réunion des actes en corpus édités et le concours précieux de l’outil informatique en la matière permettent aujourd’hui de la poser de nouveau et d’espérer apporter des réponses fiables pour un grand nombre de diocèses.

 

  1. Ce que disent les actes des chancelleries épiscopales

 Si cette question est traitée avec succès, il devient alors envisageable d’étudier plus précisément la chancellerie épiscopale, son travail voire son fonctionnement. Lorsque cela est possible, présenter un tableau des usages formels et des habitudes documentaires des clercs de la chancellerie permet d’ouvrir la porte à l’étude de l’implication de cette dernière dans la production d’actes non épiscopaux, voire non cathédraux, sur le mode du « service documentaire » rendu à d’autres institutions ou à des individus, question qui pourra plutôt être abordée lors du colloque de Lorraine en 2023. Cela permet également de s’interroger sur la marge de manœuvre dont disposent les hommes qui préparent les actes épiscopaux, c’est-à-dire sur leur capacité de création et d’innovation, dans la composition comme dans la mise en forme, au sens large. Cela conduit aussi à mesurer la volonté de rupture ou, à l’inverse, de continuité manifestée par les « rédacteurs » d’actes épiscopaux et par les évêques eux-mêmes lorsqu’ils prennent en charge la direction d’un diocèse et mettent en place leur politique en matière de gouvernement des biens et des âmes.

Par ailleurs, lorsqu’elle est rendue possible par les sources, l’identification de certains des hommes qui travaillent à la chancellerie est toujours utile, de même que l’étude de leur position et de leur rôle. Pour toutes ces raisons, ce colloque pourrait également être l’occasion de ré-interroger la notion même de chancellerie épiscopale, à partir de certains exemples, et de se questionner à nouveau sur la place et le rôle personnels de l’évêque dans le fonctionnement de la chancellerie et la production des actes écrits en son nom.

 

  1. Pour une nouvelle typologie des actes épiscopaux

 Enfin, indépendamment de la forme des actes, le contenu juridique de ces derniers est également un sujet à part entière, qu’il faut examiner avec précision, ce qui n’est guère fait actuellement que dans les introductions des corpus publiés. Pour quoi les évêques donnent-ils des actes écrits ? Quelles actions juridiques réalisent-ils dans ces actes ? Ces questions sont plus complexes qu’il y paraît et leur examen gagnera à être réalisé avec nuance du point de vue chronologique, tant la réponse peut varier d’une période à l’autre, et géographique, les différences d’un diocèse à l’autre pouvant être importantes. L’identification de l’action de chaque acte peut poser des difficultés : qu’est-ce par exemple qu’une notification, avant et après l’émergence d’une vraie juridiction gracieuse ? Où est la limite entre la simple notification et la véritable confirmation ? Que sont vraiment ces actes qu’on appelle parfois « confirmations générales » ? On peut même se demander si l’identification de la nature de l’action est suffisante. Ne faudrait-il pas intégrer également ce qui justifie l’action de l’évêque, le titre auquel ce dernier intervient, pour bien comprendre et « classer » l’action ? Le colloque invite à repenser ces questions et peut-être à proposer de nouvelles typologies des actes épiscopaux, destinées à éclairer d’un nouveau jour la compréhension globale de l’action épiscopale et du recours à l’écrit dans l’action épiscopale. 

 

De manière générale, les contributions ne se limiteront pas à une présentation générale des évêques concernés et des caractéristiques du ou des corpus utilisés, mais elles s’efforceront de proposer une problématique claire articulée autour d’un ou plusieurs des questionnements évoqués ici.

 

Les propositions de communication concerneront évidemment les diocèses français traités dans le cadre du projet ACTÉPI, sans qu’il y ait pour autant d’exclusive. Toute contribution consacrée aux actes épiscopaux du royaume de France ou des terres d’Empire dans l’actuelle France de l’Est est la bienvenue, de même que les propositions concernant les actes épiscopaux provenant d’autres espaces et ensembles politiques de l’Europe de l’Ouest (Angleterre, territoires relevant de l’Empire hors de l’actuelle France, péninsules ibériques et italiennes).

 

Pour proposer une contribution :

 Les propositions de contributions sont à adresser pour le 15 novembre 2021 à Chantal Senséby (chantal.senseby@univ-orleans.fr) et à Grégory Combalbert (gregory.combalbert@unicaen.fr). Elles comprendront le nom, la fonction et le rattachement institutionnel de l’auteur de la proposition, ainsi qu’un résumé de la contribution proposée en 4000 caractères maximum (espaces compris). Les contributions doivent être prévues pour une durée approximative de 30 minutes.

 Dans l’optique de la publication des actes de ce colloque, les articles tirés des communications prononcées seront à rendre pour le 30 octobre 2022 au plus tard.

 Pour tout renseignement, s’adresser à Chantal Senséby (chantal.senseby@univ-orleans.fr) et à Grégory Combalbert (gregory.combalbert@unicaen.fr).

 

[1] À propos des actes d’évêques. Hommage à Lucie Fossier, études réunies par Michel Parisse, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1991.

[2] Benoît-Michel Tock, Une chancellerie épiscopale au XIIe siècle : le cas d’Arras, Louvain-la-Neuve, Institut d’études médiévales, 1991.